La pension d'invalidité, tout comme la rente AT, ne peut être déduite de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent (DFP)

Maître Alexandre FARELLY • juil. 12, 2023

Pension et rente face au DFP, ou la cohérence d'un revirement majeur de la Cour de cassation en droit du dommage corporel


Par deux arrêts en date du 20 janvier 2023 (n°20-23.673 et n°21-23.947), la Cour de cassation jugeait que les rentes versées à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne pouvaient être déduites du poste du déficit fonctionnel permanent (DFP). La déduction restant possible seulement pour les postes des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle.


Certains payeurs ont tenté de limiter la portée de ces arrêts pourtant clairs en affirmant qu'ils devaient se cantonner à la question de la faute inexcusable et qu'ils ne pouvaient être appliqués à la question de la pension d'invalidité par analogie. Cette position était manifestement contraire aux arrêts de janvier. Mais les choses sont plus claires lorsqu'elles sont dites (et bien dites), surtout en droit...


Désormais, face à un tel argumentaire il sera possible d'inviter l'interlocuteur à (re)lire l'arrêt du 6 juillet 2023 (n°21-24283) qui est limpide sur la question :


"28. La Cour de cassation juge, depuis 2013, que cette pension indemnise, d'une part, les préjudices de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 13 juin 2013, n° 12-10.145 Bull. II, n°125 ; 2e Civ., 29 mars 2018, pourvoi n° 17-15.260, Bull. 2018, II, n° 66 ; 2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.242).

29. Cette jurisprudence, qui se justifiait par le souhait d'éviter des situations de double indemnisation du préjudice, se conciliait imparfaitement, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, avec les modalités selon lesquelles cette pension est calculée. En effet, selon les articles R. 341-4 et suivants du code de la sécurité sociale, elle est déterminée, de manière forfaitaire, en fonction du salaire annuel moyen de l'assuré et de la catégorie d'invalidité qui lui a été reconnue.

30. La Cour de cassation, qui décidait, depuis 2009, que la rente accident du travail indemnisait les postes de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle ainsi que celui du déficit fonctionnel permanent (notamment 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155), a remis en cause sa jurisprudence par deux arrêts rendus en assemblée plénière qui ont jugé que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, publiés).

31. Le calcul de la rente accident du travail se fait, comme pour la pension d'invalidité, sur une base forfaitaire, de sorte qu'une distinction entre les modalités de recours des tiers payeurs selon qu'il s'agit de l'une ou l'autre prestation ne se justifie pas.

32. L'ensemble de ces considérations conduit à juger, désormais, que la pension d'invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

33. Pour fixer l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent à la somme de 140 048,13 euros, l'arrêt énonce qu'il est constant que, en application du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la pension d'invalidité servie par l'organisme social s'impute, même si celui-ci n'exerce pas son recours, sur les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et, en cas de reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent.

34. Il ajoute que le premier juge a justement évalué ce poste de préjudice à la somme de 196 000 euros, soit 147 000 euros après application du droit à indemnisation de 75 % et que le reliquat de la pension d'invalidité de 6 951,87 euros, après imputation sur le poste de la perte de gains professionnels futurs, devra être déduit de la somme fixée au titre du déficit fonctionnel permanent.

35. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés".


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