Le droit de toute victime d'obtenir l'indemnisation de son préjudice

Maître Alexandre FARELLY • avr. 27, 2023

La partie civile non indemnisée par le Juge pénal, à la suite d'une relaxe, peut agir devant le Juge civil si elle n'a pas usé de la faculté ouverte par l'article 470-1 du CPP

Tout justiciable, a fortiori lorsqu'il est victime d'un tiers, doit pouvoir demander à un Juge d'étudier sa situation et de l'indemniser conformément aux règles de droit.


Lorsqu'un tribunal correctionnel est saisi, la victime qui souhaite demander à être indemnisée peut se "constituer partie civile". Cela consiste à prendre la qualité de partie au procès.


Or, si l'auteur est relaxé, c'est-à-dire qu'aucune condamnation n'est prononcée à son encontre, les demandes de la partie civile tombent. Charge à la victime partie civile de faire appel sur la seule question indemnitaire si elle le souhaite. A défaut son droit d'action s'éteindra avec l'écoulement du délai d'appel qui n'est que de 10 jours à compter du prononcé de la décision pénale.


Le Code de procédure pénale permet toutefois à la partie civile et son conseil d'anticiper une décision de relaxe lorsque la faute reprochée est dite non intentionnelle ; soit lorsque la personne poursuivie n'a pas recherché le résultat. C'est l'hypothèse de l'homicide involontaire ou des blessures involontaires, notamment dans le cadre du contentieux routier.


L'anticipation est possible grâce aux dispositions de l'article 470-1 du Code de procédure pénale qui prévoit : "Le tribunal saisi, à l'initiative du ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction, de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle au sens des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 du code pénal, et qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile ou de son assureur formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite. Toutefois, lorsqu'il apparaît que des tiers responsables doivent être mis en cause, le tribunal renvoie l'affaire, par une décision non susceptible de recours, devant la juridiction civile compétente qui l'examine d'urgence selon une procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil d'Etat".


Cette disposition a le mérite de concilier le droit d'accès au juge avec les dispositions propres aux règles juridiques qui gouvernent les infractions non intentionnelles où se mêlent des notions de causalité directe et indirecte avec la loi BADINTER ; qui repose non pas sur la faute mais sur la notion d'implication d'un véhicule dans un accident.


Pour autant le droit d'accès au Juge n'est pas sans limite. La plus sacrée est bien entendu l'autorité de la chose jugée. En d'autres termes, une décision devenue définitive fait obstacle à un nouveau procès entre les mêmes parties, pour les mêmes demandes, fondé sur la même cause.


La question qui s'est finalement posée aux Juges a été la suivante : comment concilier l'autorité de la chose jugée et la faculté pour la partie civile de mobiliser l'article 470-1 du Code de procédure pénale? Autrement dit, que se passe-t-il si la victime n'a pas anticipé une décision de relaxe ? Doit-elle faire appel ? Ou peut-elle se retourner vers le Juge civil ?


On serait tenter d'opposer froidement l'autorité de la chose jugée dont l'un des piliers et le principe de la concentration des moyens qui impose aux plaideurs, précisément, d'anticiper les arguments qu'ils entendent développer au soutien de leurs prétentions. Alors la solution stricte consisterait à dire : il fallait anticiper, il fallait faire appel, c'est trop tard!


Telle n'est pas, heureusement, la solution de la Cour de cassation dans un contentieux où la présence de l'avocat n'est pas obligatoire.


Pour la formation la plus solennelle de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire (Ass. Plén, 14 avril 2023, n°21-13.516) :"[...] lorsque la partie civile n'a pas usé de la faculté qui lui est ouverte par l'article 470-1 du code de procédure pénale, elle ne peut être privée de la possibilité de présenter ses demandes de réparation devant le juge civil. L'interprétation contraire aboutirait à priver d'effet l'option de compétence qui lui est ouverte par la loi n° 83-608 du 8 juillet 1983 dans le but de garantir le droit effectif de toute victime d'infraction d'obtenir l'indemnisation de son préjudice."

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